3. Le retour en Alsace annexée

La "drôle de Guerre" s’achève en 1940 lorsque l’Allemagne lance son offensive sur les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg.
Le 19 juin 1940  l’envahisseur allemand entre dans la ville de Strasbourg. Deux soldats allemands sont aperçus à Eschau le 20 juin.

L'armistice est signée le 22 juin 1940 à Compiègne, dans le même wagon qui avait servi à la signature de l'armistice le 11 novembre 1918. Hitler tient à humilier la France. 
L'Alsace-Moselle est annexée par l'Allemagne, ses habitants devenant des "Volksdeutsche" alors que les "vrais" Allemands sont des "Reichsdeutsche". 

La question du retour se pose alors pour les réfugiés en Dordogne, ceux-ci ayant la possibilité de rester.
Quelques-uns font ce choix : Marguerite Karl par exemple, Jean Fischer, ou encore Théophile Bapst, son épouse Louise née Fischer et leurs enfants Frédéric et Marlène. Ces derniers vont revenir à Plobsheim seulement après la Libération et la naissance de leur fille Denise, en 1945.

Les premières familles reviennent le 9 août après un trajet retour en train particulièrement long car priorité est donnée aux trains militaires. Et les autres familles vont revenir progressivement dans les mois qui suivent.

Témoignages :

Virgile Bapst et sa famille quittèrent la gare de Saint-Antoine-de-Breuilh le 12 août 1940 à 11h45. Ils arrivèrent à Benfeld après avoir traversé Bergerac, Périgueux, Limoges, Montluçon, Saint-Etienne, Lyon, Macon, Chalon-sur-Saône, Beaune, Vesoul, Mulhouse et Colmar.

 

La famille d’Emile Bapst fut une des dernières à pouvoir rentrer. Le trajet retour pris tellement de temps, à cause du passage prioritaire des trains militaires, qu’ils se demandèrent s’ils allaient rejoindre un jour Plobsheim. Lors d’un contrôle, un soldat nazi demanda si des Juifs ou des Gitans étaient présents dans leur wagon.

Le retour est difficile : les habitants reviennent chez eux mais le village est maintenant sous l’emprise des Allemands et du national-socialisme. Certaines maisons ont été pillées malgré la garde, d'autres sont occupées par des soldats. Ils ne retrouvent pas tous les animaux de leur ferme.

 

Témoignages :

De retour à Plobsheim, Emile Bapst découvrit sa cour envahie par les orties et sa maison pillée. Quelle ne fut pas sa surprise quand il entendit son horloge sonner chez le voisin ! Ce n’était pas seulement les habitants des villages non évacués ou les soldats français ou allemands qui s'étaient servis dans les maisons vidées de ses habitants !

Un autre jour, Emile reconnut sa chèvre à Eschau. Pensant qu’il mentait, le villageois qui l’avait recueillie ne voulait pas la lui rendre. Ils décidèrent alors de la libérer pour voir de quel côté elle allait se diriger. La chèvre d’Emile retourna, sans être guidée, jusqu’à sa maison qui se trouvait près du cimetière à Plobsheim et c’est ainsi qu’il pu la récupérer !

Comme dans toute l'Alsace-Moselle annexées, les inscriptions en langue française dans le village doivent disparaître. Les prénoms et noms sont germanisés. Le mark allemand est adopté, il vaut 20 francs. Les enfants retournent à l'école mais ils ont pour interdiction de parler le français, la journée scolaire commençant par le salut nazi et un chant patriotique à la gloire de l'Allemagne. Les jeunes gens et jeunes filles ont l'obligation de se rendre à des réunions des « Hitlerjugend » et des « Bund Deutscher Mädel ».

La cohabitation se passe tant bien que mal, entre petits arrangements avec l'occupant pour certains, collaboration pour d'autres et même nazification pour quelques-uns. Mais la grande majorité de la population essaie de survivre tant bien que mal en faisant le dos rond. « Nicht Auffallen » : ne pas se faire remarquer.

En 1943, le maire Michel Goetz est destitué par les autorités allemandes pour être remplacé par Frédéric Clauss, habitant de Plobsheim, qui devient "Ortsgruppenleiter" nazi.

Mais le pire reste à venir avec l’incorporation de force dans l'armée allemande, la "Wehrmacht", ou encore comme travailleurs forcés dans le "Reichsarbeitdienst".