1. L'évacuation en Dordogne

Sur la base de l'article paru dans le Giessen Infos n°33 rédigé par Ludovic Seng avec l'aide de Michèle Barthelmebs et Charles Lutz. 
Avec les précieux témoignages de Jean-Pierre Bapst, Virgile Bapst, Louise Gewinner épouse Gasser, Emilie Goetz épouse Fischer.
Nos remerciements à toutes et tous. 

Avant la guerre : la Ligne Maginot

Dans les années 1930, les tensions montent et la France décide de construire des forts sur une ligne de défense : la ligne Maginot. A Plobsheim une casemate est construite : elle se trouve actuellement dans le lotissement du Moulin. Cet ouvrage, entièrement enseveli, n'a d'apparent que sa cloche en acier. Il est complété par de petits ouvrages proches du Rhin. Un plan d'évacuation est prévu pour la population vivant à proximité de la ligne Maginot, pour lui éviter de gêner les soldats ou d'être blessée lors des combats. Dans le Ried, le canal du Rhône au Rhin sert de limite ouest pour les villages à évacuer. Plobsheim en fait donc partie. Par contre à Eschau, seul le quartier du Hetzlader est concerné. 

Le sud-ouest de la France est choisi comme destination car peu peuplé et éloigné de la frontière allemande.

La casemate de Plobsheim faisant partie de la Ligne Maginot :

L'évacuation en Dordogne

Le 1er septembre 1939, la mobilisation générale est déclarée et l’évacuation des plus de quatre cents communes frontalières d’Alsace-Moselle décrétée. 

A Plobsheim, l'appariteur municipal passe la matinée à parcourir les rues en agitant sa cloche pour annoncer l'ordre d'évacuation. Il faut faire vite : les femmes, les enfants, les personnes âgées ont jusqu’au lendemain pour quitter leur maison. Ils ont pour consigne d’emporter un bagage à main contenant leurs papiers de famille, des vivres pour quatre jours, des couvertures, des couverts, une bonne paire de chaussures... le poids total ne devant pas excéder 30 kg. Ils doivent renoncer à des récoltes qui s’annoncent exceptionnelles cette année là ainsi qu'à leur bétail qui ne peut être emmené. Les animaux libérés dans la nature  seront rassemblés par les Escoviens dans un grand pré clôturé à Eschau.

L’inauguration du drapeau de la section plobsheimoise de l’Union Nationale des Combattants qui devait se tenir le 10 septembre 1939 est annulée. La commune en fait de même pour le traditionnel Messti de début septembre. 

Le jour-même ou le lendemain au plus tard, les habitants de Plobsheim sont sur la route en direction de Villé, à 40 km, première étape de l'exode. Ils partent comme ils peuvent : en charrette tirée par des chevaux, à pied, à vélo. Certains prennent le train à Erstein. Ils restent tous ensuite 5 jours sur place à Villé.

Au même moment, des soldats du 2ème régiment d'infanterie coloniale sont stationnés à Plosbheim pour monter la garde avec 18 hommes du village qui restent sur place pour éviter les pillages.

 

Témoignages de Plobsheimois :

Emilie Goetz, 7 ans, sa soeur Georgette et sa mère Madeleine, née Erb, quittèrent Plobsheim en charrette tirée par les deux chevaux de la ferme. Les hommes de la famille étant mobilisés, ils ne faisaient pas partie du voyage. Arrivées à Villé, désigné comme centre de recueil pour Plobsheim, elles laissèrent les chevaux à un paysan de Krautergersheim qui leur en rendit un à leur retour en Alsace, l’autre étant mort.

Virgile Bapst, 12 ans en 1939, et ses parents quittèrent Plobsheim à vélo le soir du 1er septembre 1939. Après un arrêt à Huttenheim pour dormir, ils arrivèrent à Villé à 10h du matin.

 

 

Jean- Pierre Bapst, sa mère Eve et son frère Charles, eurent moins de chance car ils durent rejoindre Villé à pied. Sur plus de 40 km, Jean-Pierre, 10 ans, traîna derrière lui son masque à gaz dans son étui en métal. Un bagage supplémentaire qui lui sembla bien encombrant puisqu’il n’eut même pas besoin de s’en servir !

L'arrivée à Port-Sainte-Foy

L’évacuation vers les centres de recueil terminée, la France déclare la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939.

Le 6 septembre 1939, départ en train pour 850 Plobsheimois dans des wagons à bestiaux, direction la Dordogne.

Pour info : Plobsheim comptait environ 1950 habitants en 1939 mais certains avaient trouvé refuge dans leur famille installée en-dehors de la ligne d'évacuation et la plupart des hommes n'étaient pas du voyage puisque mobilisés en tant que soldats français. 

Le train pris par Virgile Bapst part de Villé à 17 h 20 et traverse Sélestat, Saint-Dié-des-Vosges, Vesoul, Montceau-les-Mines, Clermont-Ferrand, Tulle et Périgueux. Après avoir passé quatre nuits sur de la paille dans un wagon à bestiaux, le convoi entre en gare de Sainte-Foy-la-Grande le 10 septembre à 6h du matin et les exilés débarquent, harassés de fatigue.

La Dordogne est mal préparée à cet afflux massif de personnes. La commission d’accueil de Port-Sainte-Foy n’est même pas encore constituée que les premiers trains de réfugiés sont déjà annoncés. 

 

Cartes postales anciennes :