Pour le retour à la maison, il ne fallait pas être malade ou trop faible.
Georges Schwentzel mourut en cours de route à Francfort-sur-l’Oder. Les survivants rappellent tous que Jean Trebès, déjà généreux en pain et en tabac, avait laissé sa place à plusieurs reprises à d’autres camarades de Plobsheim pour qu’ils puissent rentrer au plus vite ! Il fut le dernier à rentrer au village et mena ensuite une vie marginale.
Suite à un accord entre l’URSS et le Comité de la France Libre, en juillet 44, 1 500 prisonniers purent être acheminés vers l’Afrique du Nord via Téhéran et la Palestine.
Aucun des hommes de Plobsheim ne figurait sur cette liste. Malgré les promesses de rapatriements ultérieurs, à Moscou, les blocages se multiplient, qu’ils soient liés à la complexité du dossier pour les Soviétiques (comment trier les Alsaciens-Lorrains des Allemands, les « Malgré-Nous » des collaborateurs ?), à la rétention d’informations, aux réticences à se séparer d’une utile main-d’œuvre quasi gratuite, ou aux enjeux diplomatiques. Moscou exige en effet le rapatriement réciproque des citoyens soviétiques qui se trouvent en France ou dans la zone française d’Occupation en Allemagne et en Autriche, et qui, s’appuyant sur une résolution de l’ONU, refusent ce retour forcé.
D’autre part, à la Libération, le Général de Gaulle n’intervient que mollement en leur faveur, ne voulant mécontenter ni les communistes français très puissants, ni Staline avec qui il envisage certaines alliances politiques. Les autres prisonniers restèrent donc plus longtemps. Ils rentrèrent souvent par Bruxelles et de longs passages administratifs dans des gares de triages, avec une enquête des Renseignements généraux.
Le dernier à rentrer en Alsace fut Jean Jacques Remetter en 1955.
Ils reprirent leur vie de famille et professionnelle sans trop parler de l’enfer qu’ils avaient vécu.
Les malades furent pris en charge. Mais la médecine ne pouvait pas faire de miracle, et Raymond Bapst mourut à l’hôpital de Strasbourg dès son retour.
Ce n’est qu’en 1965, lors d’une réunion des Anciens de Tambov à Obernai, qu’il fut question de « réparations propres à leur situation ».
Les Alsaciens décédés sous l’uniforme allemand auront par la suite le statut de « morts pour la France ».
Espérons que le projet de graver le nom des 52 000 morts alsaciens et mosellans durant la seconde Guerre mondiale sur le Mur des noms au Mémorial de Schirmeck verra le jour, pour ne pas oublier définitivement les plus de 30 000 incorporés de force, souvent tombés sur le front de l ‘Est !
L’ouverture des Archives soviétiques, grâce au conseil départemental du Bas Rhin, permet à présent aux historiens d’approfondir leurs recherches. Depuis 1996, l’association "Pèlerinage Tambov" se rend tous les deux ans en Russie, sur le site de l’ancien camp d’internement à 400 km environ de Moscou. Durant l’été 2018, elle a inauguré le nouveau cimetière englobant une cinquantaine de fosses communes, un aménagement réalisé par des partenaires russes et financé par l’association grâce à diverses subventions et cotisations.
Les Russes également s’intéressent de plus en plus à ce pan terrible de leur histoire : des livres traduisent les ouvrages des témoignages alsaciens.