Frédéric Goetz, Malgré-Lui

Février 1943 :

Né le 28 mai 1925, il fut le plus jeune Plobsheimois à partir pour le RAD, le Reichsarbeitsdienst, le service du travail allemand, en février 1943. Il n’avait même pas 18 ans.

On le voit sur une photo prise la veille de leur départ pour l’incorporation de force dans la Wehrmacht, le 12 mai 1943, derrière « le Bœuf », rue des Juifs.

Voilà qui risquait de les mettre en prison, s’ils étaient vus par des nazis.

Il rejoint la formation d’infanterie de Itzehöe dans le Schleswig Holstein le 21 mai. Puis il fait ses trois mois de classe comme garde côte sur l’île de Fanöe au Danemark. En août 1943, il est ensuite envoyé en Ukraine contre les partisans soviétiques. Là il frôle la mort de près pour la première fois. Son voisin est tué et lui a senti le souffle de la balle à la hauteur de son visage.

En décembre, il rentre en permission à Plobsheim pour deux semaines mais il attrape une jaunisse. Il est hospitalisé au lazaret de l’école Lucie Berger à Strasbourg.

1944 - 1945 :

En août 1944, il fait la campagne d’Italie où il est blessé au bras et à l’omoplate gauche. Il est évacué dans un hôpital de Bad Gastein en Autriche où il reste deux mois.

Le 19 novembre 1944, il part en permission à Plobsheim. A plusieurs reprises en cours de route, en particulier à Munich et à Stuttgart, des avis sont diffusés par haut-parleurs que toutes les permissions sont supprimées et que les bénéficiaires de congés doivent immédiatement se présenter à la "Feldgendarmerie". Mais Frédéric Goetz n’a qu’une hâte, c’est de rentrer chez lui. Il poursuit sa route et réussit à incorporer un détachement de soldats allemand du "Volkssturm" qui allait vers Strasbourg. Il passe le Rhin à Kehl avec un des derniers trains qui amènent des renforts à Strasbourg, le 22 novembre à 23 heures. Drôle d’ambiance !

Le lendemain, Strasbourg est libérée par les troupes de la deuxième DB. Il arrive à Plobsheim et s’y cache jusqu’à ce que le village soit lui aussi libéré. Personne, en dehors de ses parents, n’était au courant de sa présence. Les Allemands y sont restés jusqu’au matin du 28 novembre 1944.

Vers la mi-décembre 1944, il se présente au Centre de démobilisation de Strasbourg.
(NB :  En 1960, il reçoit la reconnaissance de la qualité d’incorporé de force dans l’Armée allemande. pour la période du 21mai 1943 au 22 novembre 1944.)

Le 16 février 1945, guéri de ses blessures et par goût de l’aventure, il s’engage comme soldat de 2e classe dans le premier bataillon de chasseurs à pied (BCP). Comme il n’a rien d’autre que son uniforme allemand, sa sœur le lui teint en brun avant qu’il ne se présente à la caserne de Mulhouse.

Il participe à la campagne de France avec le 31e BCP. Il se bat au Rohrschollen au sud de Strasbourg. Puis, il traverse le Rhin à Speyer et se bat en Forêt Noire. Lors de la capitulation allemande, le 8 mai 1945, il est à Uberlingen.

Suite de sa carrière militaire :

Très vite, il est nommé caporal, puis caporal chef en octobre 1945. Il se réengage pour un an dans l’intendance militaire du 31e BCP. Il est nommé sergent en avril 1946.

Cette vie lui convient car il rengage pour deux ans en février 1947 et il est envoyé au Niger, dans la troisième compagnie saharienne motorisée. Il se déplace à pied avec des dromadaires pour lever des itinéraires. Selon un témoignage de satisfaction "au cours d’une marche de 2000 km en région désertique, il a toujours été un exemple d’endurance, de discipline et de bonne humeur".

 

Il revient en France en septembre 1949.

Nommé au grade de sergent chef, il est rengagé pour trois ans et part se battre en Indochine. En 1952, il est admis dans le corps des sous officiers. Et là, il échappe trois fois à la mort :
- La première fois, il échange sa place de fourrier avec un adjudant qui va périr dans un accident de jeep.
- La deuxième fois, il sort du mess quelques minutes avant qu’une bombe ne détruise le bâtiment, faisant huit morts parmi ses amis. Et plus tard, un raz de marée va ravager le cimetière et emporter les cercueils, sans qu’on ne puisse les retrouver.
- Enfin il tombe malade (une dysenterie amibienne) et laisse sa section de trente tirailleurs sénégalais entre les mains d’un sergent africain. Ces derniers se feront massacrer lors de l’attaque de leur poste à Binoa et lui sera encore sauf !

Il revient en Europe en novembre 1953 pour être transféré à Constance en mars 1954. Il passe son brevet de comptabilité des TOM (Territoires d’Outre Mer) et obtient le grade d’adjudant en 1956. Il est désigné pour continuer ses services à Madagascar de 1957 à 1960. Son épouse et ses enfants le suivront à Ambositra.

Nommé adjudant chef, il est affecté en Algérie en août 1962 pour dissoudre deux régiments de l’infanterie marine à Oran et à Philippeville. Il y reste jusqu’en novembre 1963.

En 1965, il est nommé sous-lieutenant et secrétaire au poste de l’Attaché des Forces Armées auprès de l’Ambassade de France à Bonn. Sa famille l’accompagne à Bad Garstein. Il est promu lieutenant en 1967.

Il termine sa carrière comme officier technicien à Toulon où il est affecté d’août 1968 jusqu’en septembre 1971.

Il aura passé 25 années dans l’armée française et vu bien des pays ! Il a participé à la fin de la seconde guerre mondiale sous deux uniformes : Incorporé de force dans l’armée nazie puis engagé volontaire pour la Libération.

Ensuite il a défendu l’empire colonial français en AOF (Afrique occidentale française), puis en Indochine et en Algérie.

Enfin il a servi dans l’armée d’occupation en Allemagne dans la zone réservée à la France par les accords de Potsdam en 1945. Il finit pacifiquement sa carrière dans l’infanterie marine en France. Il coule aujourd’hui des jours tranquilles à Plobsheim d’où il est originaire, de même que son épouse.

Portrait de Frédéric Goetz en 2011.  

Portrait frederic goetz 2011