Extraits des Chroniques en Pays foyen

Ce texte est paru dans le Bulletin Municipal de Plobsheim en 1995 : 

" La commune de PORT STE FOY qui a accueilli et logé naguère nos concitoyens, nous a adressé, par l'intermédiaire de son maire, Monsieur Joël CRETON, un ouvrage sur cette époque confuse : "CHRONIQUE DES ANNEES DE GUERRE EN PAYS FOYEN 1939-1945" dont les auteurs sont Monsieur Jacques REIX Secrétaire Général de la mairie de Port Ste Foy et Jean VIRCOULON.

Nous vous livrons ci-dessous quelques extraits qui rappelleront à certains des souvenirs émouvants où malgré la guerre et l'incertitude des lendemains, le mot FRATERNITE contenu dans la trilogie de notre devise républicaine, a recueilli parfois ses lettres de noblesse."

"L'acheminement des populations de l'Est de la France a été planifiée dès le mois de juin 1937.

Le 4 septembre 1939, le préfet de Dordogne adresse une circulaire aux maires du département :
" Les ordres d'évacuation étant déclenchés, le département de la Dordogne reçoit les réfugiés de la partie sud du département du Bas-Rhin qui sont répartis dans les communes du département de la Dordogne selon un plan de correspondance qui a été dressé par le service des réfugiés [...] Ce même jour, 796 réfugiés de Longwy arrivent à Sainte-Foy ! 

Les réfugiés sont logés chez l'habitant, dans les hôtels et dans les écoles. Les municipalités réquisitionnent maisons ou simples chambres. On s'entasse, on se mélange, parfois sans confort. [...]

 A Port-Sainte-Foy, près de 850 Alsaciens sont accueillis chez l'habitant, ainsi qu'à la colonie des Bardoulets; il s'agit de familles originaires de Plobsheim, commune de la banlieue sud de Strasbourg. Dès l'arrivée des Alsaciens, sept baraquements sont construits sur le terrain de Mézières, à proximité de l'hippodrome : on y loge plusieurs familles. [...]

Le 11 septembre 1939, le conseil municipal de Port-Sainte-Foy se réunit en session extraordinaire sous la présidence de Monsieur Emile PENISSON, Maire. Le maire ouvre la séance en précisant que l'hébergement dans la commune d'une population de près de huit cents réfugiés du département du Bas-Rhin nécessite des dépenses immédiates, et, dans l'attente que des crédits suffisants soient alloués par l'Administration supérieure, la commune a le devoir de faire une avance. Le Conseil vote une somme de 5000 Francs. Cette somme se révèle insuffisante. Le 20 septembre, il rajoute 5000 Francs qui sont versés à Monsieur Roques, gestionnaire du Comité d'accueil. [...]

Entre repliés et autochtones, l'incompréhension s'ajoute parfois à la gêne et à l'anxiété. Les habitants du pays foyen sont surpris de recevoir des gens qui parlent plus volontiers le dialecte alsacien que le français. [...]

Malgré les inévitables frictions, ces déracinés, d'abord appelés les évacués, sont vite considérés comme des réfugiés. Cette différence de vocabulaire tient probablement à l'efficacité des services d'accueil. Et ces réfugiés s'intègrent. Enfants et jeunes gens font connaissance. [...]

Voici les Lorrains et les Alsaciens intégrés, au moment où le rationnement entre en vigueur. Dans le département de la Dordogne, la pénurie des blés et des farines oblige le groupement de répartition à contingenter les boulangers à 120 %, en leur accordant des suppléments de farine par rapport leurs besoins normaux. Le groupement estime qu'il vaut mieux réduire immédiatement la consommation du pain que d'être exposer à en manquer complètement quelques semaines plus tard. Il est donc indispensable que chaque boulanger impose une restriction à chacun de ses clients, sur la base de 300 grammes de pain par jour et par personne. 
Cette mesure est contestée par la municipalité de Port-Ste-Foy qui estime que le groupement de répartition des farines n'a pas tenu compte de la présence des réfugiés. Le maire écrit au Directeur des services agricoles. [...]

La municipalité obtient satisfaction et la restriction n'est véritablement appliquée qu'à partir de la mise en vigueur de la carte de pain. D'autres méthodes sont utilisées pour réduire la consommation : la fermeture obligatoire des magasins d'alimentation plusieurs jours par semaine.

L'intégration, c'est aussi les moments de joie autour du berceau : entre le premier septembre 1939 et le 14 juillet 1940, dix-neuf nouveaux-nés alsaciens sont enregistrés à la mairie du Port, dix-neuf sur un total de trente et une naissances. Joie relative, car les familles sont dispersées et le chef de famille absent : il est soldat, vivant, mort ou prisonnier. [...] 

(NB : en 1998, la municipalité de Port-Sainte-Foy-et-Ponchapt a établi une liste de 18 naissances et non 19).

Suite du texte écrit par la Mairie dans le Bulletin Municipal de 1995 : 

"Les archives de la commune de PLOBSHEIM nous indiquent que les réunions du conseil municipal de PLOBSHEIM ont eu lieu normalement dans la commune d’accueil Port-Sainte-Foy. Ainsi la vie continua grâce à la générosité de nos hôtes. N'oublions pas, en cette fin de siècle, nous qui depuis cinquante ans connaissons un bien-être certain, ce que peut représenter l'arrivée d'une population de près de neuf cents personnes. Serions-nous prêts aujourd'hui à les accueillir sans réticence ? Que la Dordogne dans son ensemble et Port-Sainte-Foy en particulier soient très sincèrement remerciés des immenses efforts fournis naguère pour l'accueil de toutes ces populations déracinées."