En avril 1944, il est envoyé en Italie. Les Alliés y ont débarqué. L’Italie a théoriquement rejoint le camp allié. La plupart des troupes italiennes ont été désarmées ou froidement exécutées par les Allemands. Si les Allemands disposent de troupes moins nombreuses que les Alliés, celles-ci sont solidement retranchées sur un dispositif de défense sur toute la largeur de la péninsule. Le sommet des Apennins est un véritable rempart. Dans les montagnes des Abruzzes, la ligne Gustav empêche les Alliés de marcher sur Rome. La clef du dispositif qui ouvre cette ligne est le monastère de Mont Cassin à 435 m d’altitude, à mi- chemin entre Naples et Rome. Cette hauteur surplombe la ville de Cassino ainsi que la route nationale et domine les vallées du Rapido et du Liri.
Du 4 janvier au 19 mai 1944, vont s’y affronter 300 000 Alliés rejoints par le Corps Expéditionnaire Français du général Juin et 100 000 Allemands. Dans la compagnie d'Adolphe Baerst, ils sont dix incorporés de force et beaucoup de jeunes soldats d’à peine seize ans. Les Américains en prennent un et le renvoient aux Allemands avec une pancarte au cou sur laquelle ils ont inscrit : « Nous ne nous battons pas contre des écoliers ! » Le jeune lieutenant allemand de 20 ans, encore étudiant, n’a aucune expérience des combats et demande l’avis aux plus âgés.
Après quatre attaques, le monastère de Mont Cassin tombe entre les mains des Alliés, grâce aux Polonais engagés avec les Britanniques et au succès de la manœuvre française de débordement du sud de Cassino : la bataille de Garigliano en mai 1944. Les combats ont fait rage. Adolphe Baerst a la vie sauve car il s’était caché derrière les roues d’un tank, les autres sont morts, brûlés ou blessés. Le feld-maréchal Kesserling abandonne Cassino. Les Alliés ont perdu 115 000 hommes et les Allemands 60 000.
Adolphe Baerst est fait prisonnier par les Américains. Il ne comprend pas un mot d’anglais, il est au bout du rouleau mais heureux d’être vivant. Il rencontre un officier canadien qui lui offre de l’eau, tout en affirmant être un Juif Berlinois et que la compagnie 12 du Régiment allemand 212 à laquelle fait partie Adolphe Baerst est sous contrôle du bataillon d’élite de parachutistes de Hermann Goering, de terrible réputation.
Les 39 000 prisonniers allemands n’ont rien à manger, ils dorment sous des tentes, mais quand il pleut, tout est mouillé. Le 6 juin 1944, le jour du débarquement en Normandie, le général Juin libère les incorporés de force. Ils reçoivent un uniforme américain avec un petit drapeau français cousu sur une poche de la chemise. Ils sont emmenés par bateau à Naples. Adolphe Baerst y reste jusqu’au 12 avril 1945, s’occupant d’intendance, de surveillance, de la distribution du courrier. Il est même affecté à la Garde d’honneur ! Il visitera Rome qui a été libérée le 4 juin 1944.
Il fera le dernier mois de la guerre dans l’armée française, à Marseille, toujours sous uniforme américain, car on manque de tout. C’est là qu’il apprendra la mort du président américain Franklin Delano Roosevelt et la capitulation allemande du 8 mai 1945 !
Voilà les tribulations d’un Alsacien sur le front russe à lutter contre les partisans, puis en Italie à tenter d’empêcher les Alliés de marcher sur Rome. Portant l’uniforme allemand, puis américain et pour finir la guerre, incorporé dans l’armée française !
Les habitants du village de Plobsheim ont beaucoup souffert durant cette période. La famille Baerst verra partir ses trois fils sur le front de l’Est, et l’un d’eux, Édouard, sera porté disparu en Lituanie.
Adolphe Baerst fera par la suite de nombreux voyages avec son épouse en Italie, tant cette période de la guerre et ce pays auront marqué sa vie.
Il est décédé le 21 décembre 2008 à l'âge de 86 ans.
Que l'histoire des Incorporés de Force serve de leçon pour un avenir de paix en Europe et dans le monde !